LA DANSE DU CALUMET : PACIFISTE ET SPIRITUELLE

Ce que nous croyons connaître concernant les traditions amérindiennes nous provient en grande partie d’œuvres de fiction souvent peu soucieuses de la réalité historique. Le cinéma hollywoodien, entre autres, a largement contribué à populariser la cérémonie du Calumet de la Paix. Toutefois, celui-ci s’attarde la plupart du temps plus sur l’aspect spectaculaire que spirituel de cette coutume ancestrale chère à plusieurs peuples autochtones. Parmi le fonds d’archives de Raymond Douville, conservé au CAR Séminaire de Nicolet, on retrouve un large extrait d’un manuscrit daté de 1744, intitulé : « La Danse du Calumet ». Ce texte, reproduit en 1864 dans la revue historique Les Soirées Canadiennes, est « extrait d’un ancien cahier appartenant à la mission des Abénakis de Saint-François-du-Lac. C’est le seul traité en français de tout le cahier. Les autres traités qui y sont renfermés sont en Abénaki avec des passages en latin. Cet écrit est très précieux au point de vue des croyances des Amérindiens et des Abénakis en particulier. » Or, le missionnaire rédacteur du manuscrit, le père Lesueur, qualifie la Danse du Calumet de pratique païenne séculaire qui contribue à perpétuer chez les Amérindiens une spiritualité contraire aux enseignements des évangiles. Il considère donc d’un très mauvais œil cette tradition à laquelle il s’objecte énergiquement : « Cette danse estoit un vray culte de religion, qu’elle s’appelayt danse du génie, que l’on ne disayt point danser avec le calumet, mais danser en l’honneur du calumet. En un mot, que c’étoit le Dieu de ces nations. »

En quoi consiste cette coutume si vigoureusement décriée par le missionnaire? Le père Lesueur se limite à en faire une description lapidaire, un peu à la manière d’un procureur de la couronne déposant ses accusations. Il nous apprend néanmoins que cette danse qui s’exécute au rythme des tambours et des chants « sert à appeler les âmes de ceux contre qui l’ont va en guerre et par ce moyen vaincre infailliblement ses ennemys. » On y apprend aussi que l’homme dont la femme se trouve enceinte se voit exclu du partage du calumet de la paix: « Parce que sa femme ne mettroit pas heureusement son fruit au monde. » Le rituel contribue aussi, lorsque la situation l’exige, à concilier la paix entre nations ennemies. On pratique aussi la Danse du Calumet pour réclamer le retour du soleil lors d’un déluge, ou encore implorer la pluie en période de sécheresse; voir même demander un vent favorable à la veille d’une expédition. En résumé, nous découvrons que l’exécution de cette danse permet à la collectivité de conjurer ses peurs tout en désirant attirer sur elle les bienfaits de la nature.

Cette coutume ancestrale de la Danse du Calumet nous apparaît bien inoffensive de nos jours. Pourtant, à l’époque du père Lesueur, les missions de la Nouvelle-France chargées d’évangéliser les autochtones y perçoivent une réelle menace: « Si l’on accorde à nos Abénakis l’usage de la danse du calumet sous prétexte qu’il n’y a aucun danger pour l’idolâtrie, je soutiens que l’on introduit dans cette mission non seulement toutes les superstitions des peuples idolâtres, mais encore toutes celles qu’on estoit venu à bout de détruire» , ajoute le missionnaire en guise de conclusion.

Texte : Serge Rousseau pour le Car Séminaire de Nicolet

Références : Fonds Raymond Douville F260/D2/3

Photo : Extrait de Canada-Québec, synthèse historique page 129.

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