LE HAVRE DE LA RIVIÈRE NICOLET : REFUGE INACHEVÉ POUR LES NAVIGATEURS DU LAC SAINT-PIERRE

Au XIXe siècle, l’embouchure de la rivière Nicolet, située au pied du lac Saint-Pierre, bourdonne d’activités pendant la période estivale : « On y voit journellement une flotte considérable de barges, chalands et bateaux de toutes sortes séjourner à cet endroit, attendant le bon vent pour mettre à la voile et lever l’ancre. » Le commerce florissant du bois en provenance des townships se révèle en grande partie responsable de cette effervescence. À l’été 1882, le journal le Nicolétain souligne que l’absence d’infrastructures à l’embouchure de la rivière Nicolet représente un réel danger en cas d’intempéries pour les nombreuses embarcations qui viennent y mouiller quotidiennement. D’année en année, le lac Saint-Pierre, reconnu pour l’imprévisibilité et la violence de ses tempêtes, réclame son tribut de naufrages et de noyades. Le gouvernement fédéral ayant déjà entreprit depuis quelques années d’ériger un havre sécuritaire pour les navires dans le bas de la rivière Nicolet, l’auteur de l’article demande au ministre des transports d’exercer les pressions nécessaires pour accélérer le processus de construction. Mais le dossier ne semble pas une priorité gouvernementale.

Une violente tempête s’abat sur la région le 24 octobre 1887. Le Nicolétain publie un long article pour insister à nouveau sur la nécessité d’accélérer les travaux de parachèvement du havre. Le journal rapporte que cinq navires mouillaient à l’embouchure de la rivière lorsque les éléments se déchaînèrent : « Tous ces bateaux ont été désemparés et presque complétement détruits. Trois personnes de l’équipage de ces vaisseaux n’ont pu être retrouvées. Une barge américaine a perdu son mouillage et a été entraînée à la dérive, on n’en a aucune nouvelle. Il y avait à bord le capitaine avec sa famille et deux hommes d’équipage; on les croit tous péris. » Plusieurs équipages naviguant sur le lac Saint-Pierre échappent de justesse à la mort, mais aucune embarcation ne sort réellement indemne de la tempête. Comme la barge Providence dont on ne retrouve aucun vestige. Ou encore le Saint-Louis démâté par la bourrasque et projeté contre les brisants rocailleux auxquels les marins s’accrochent désespérément. Une barge, baptisée Saint-Charles, ancrée à l’embouchure de la rivière et chargée de bois de sciage, chavire sous la bourrasque et perd entièrement sa cargaison. De même que le vapeur Nicolet, propriété du maire George Ball, qui, poussé par de gigantesques vagues, subit de lourdes avaries en s’échouant sur la rive nord. Ainsi que le souligne l’article : « Il est heureux que la flotte n’ait pas été ce jour-là aussi nombreuse qu’elle a coutume d’être journellement, soit 30 à 40 vaisseaux attendant au large. »

L’appel du Nicolétain, deux ans plus tôt, concernant l’accélération des travaux du havre ne semble pas avoir trouvé d’oreille attentive auprès du gouvernement fédéral. Pourtant : « C’est sans contredit l’endroit le plus dangereux du fleuve et celui qui est le plus négligé. » Le Monde de Montréal et le Journal de Trois-Rivières unissent leurs voix à celle du Nicolétain pour interpeller à nouveau le ministre des transports sur la question. Pour eux, la tempête du 24 octobre démontre que les travaux du havre ne progressent pas suffisamment rapidement et que l’absence des quais de protections ont occasionnés des pertes énormes qui auraient pu être évitées. Ils espèrent que cette catastrophe leur servira d’avertissement pour l’avenir. « Les autorités fédérales ont en main le moyen de remédier à cette triste situation. C’est de hâter avec une efficace énergie le complément du port de refuge qu’elle a déjà commencée à construire. » Malgré cet appel, les travaux de construction du refuge continuent de s’enliser. En 1889, une tempête similaire à celle citée plus haut endommage encore une fois de nombreux navires prisonniers du lac Saint-Pierre. Malgré les nouvelles protestations fusant de toutes parts, les travaux du havre ne seront jamais complétés; tandis que l’activité commerciale à l’embouchure de la rivière Nicolet finira par s’éteindre progressivement avec le déclin de l’exploitation forestière au sud du fleuve.

Texte : Serge Rousseau pour le CAR-Séminaire de Nicolet

Références : Collection Madame Renaud Chapdelaine C008 A1/1, Fonds Wilfrid Camirand F266 1/2.

Construction du quai à l’entrée de la rivière Nicolet avant 1900, F053-B1-2-1
Quai de George Ball bas de la rivière vers 1890, F085-P4392.1
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