ARNOULT DE LAUBIA ET PIERRE MOUET : PREMIERS SEIGNEURS DE NICOLET

Le baron Pierre Dubois Davaugour a déjà quarante années d’expérience militaire à son actif lorsqu’il devient gouverneur de la Nouvelle-France en 1661. Dès son entrée en fonction, il s’empresse de parcourir le territoire rattaché à son gouvernement. Il réalise alors que, sans renfort militaire pour combattre les Iroquois, le développement de la nouvelle colonie semble voué à l’échec. Il s’empresse de réclamer un soutien militaire auprès du roi. Il suggère aussi l’érection de trois forts supplémentaires dans la région de Trois-Rivières : l’un en face de la bourgade, un autre à la Pointe-du-Lac et un troisième à l’embouchure de la rivière Nicolet. Aguerri aux méthodes européennes, Davaugour exprime un profond mépris envers la stratégie de guerre d’incursion privilégiée par les Amérindiens. Il estime qu’il suffirait de quelques centaines d’hommes de troupes pour mater rapidement les Iroquois.
 
Le roi répond positivement à sa requête et le premier contingent du régiment de Carignan, auréolé de nombreuses victoires remportées sur les champs de bataille européens au cours de vingt dernières années, débarque à Québec à l’été 1665. Commandé par le marquis de Salières, le régiment porte désormais la nouvelle désignation de Carignan-Salières. Lorsque le sieur de Tracy en prend la direction, un peu plus tard, le total des effectifs du régiment s’élève alors à 1300 hommes. On érige aussitôt un système de fortifications : « Ainsi les forts de Sorel, Chambly, Contrecoeur, Verchères et quelques autres sont construits en bois le long des rivières. » Cette présence militaire modifie radicalement le rapport de force entre Français et Iroquois. Le 10 juillet 1667, les belligérants signent une paix qui durera tout près de vingt ans. Le danger d’hostilité écarté, on diminue les effectifs militaires. Les deux tiers des soldats du régiment de Carignan retournent en France. Ceux qui demeurent au pays sont, pour la plupart, célibataires et en âge de convoler; ce qui représente un facteur démographique primordial pour le développement de la Nouvelle-France.
 
Parmi ces militaires restés au pays, deux personnages se disputeront durant un temps le titre de la seigneurie de Nicolet : le capitaine Arnould de Laubia et son enseigne Pierre Mouet, sieur de Moras, tous deux cantonnés aux Trois-Rivières. Durant leurs rares loisirs, les deux militaires, amateurs de chasse, sillonnent l’embouchure de la future rivière Nicolet et rêvent chacun de leur côté de s’établir sur ses rives. Suite au traité de paix de 1667, Laubia retourne en France, alors que Mouet s’établit sur l’île, qu’il baptise Moras, à l’embouchure de la rivière. En 1669, l’intendant Jean Talon demande au roi de lui fournir six autres compagnies de soldats afin de les établir sur des terres. Laubia, qui n’a jamais renoncé à demeurer à Nicolet, revient au pays. « À son retour, il trouva Pierre Mouet en train de s’établir sur l’île Moras et se considérant déjà comme seigneur de Nicolet. Prévoyant la compétition que lui susciterait l’arrivée de son capitaine, Mouet s’empressa de donner des actes de concession. » Laubia s’établit à Nicolet en 1670. Il y bâtit un manoir, conçoit un plan de seigneurie et s’empresse d’octroyer des concessions aux soldats de sa compagnie qui l’accompagnent : « À l’automne 1670, ils étaient déjà tous établis et, l’année suivante, un bon nombre d’entre eux se mariaient avec des filles venues de France. » Ce partage d’une même seigneurie entraîne un schisme entre deux groupes distinct soumis à des censives différentes. Cette situation dure trois ans, avant que le litige ne soit porté devant l’intendant Talon. Celui-ci tranche en faveur de Laubia et lui octroie la seigneurerie de Nicolet, le 29 octobre 1672. « Quand à Mouet de Moras, il le récompensa de son zèle pour la colonisation en lui octroyant l’île Moras seulement. Il se trouvait seigneur sans censitaires et perdait toutes ses concessions.» Un an plus tard, Laubia vend sa seigneurie à un parisien du nom de Michel Cressé qui en prend possession en 1673.
 
Texte : Serge Rousseau, pour le CAR Séminaire de Nicolet
 
Références :
Collection Nicolet C026
Histoire de Nicolet 1669-1924, Abbé J.E. Bellemare
Mémoires d’avenir, Archives du Séminaire de Nicolet, Denis Fréchette 1994.
 
Régiment Carignan-Salières dessin de Eugène Leliepvre, Nos Racines no 9, pages 170-171.
Concession de Jean Talon à Arnoult de Laubia F001-C19-8-5

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