JOSEPH-ARTHUR LEMAY : UN NICOLÉTAIN PIONNIER DE LA BANDE DESSINÉE AU QUÉBEC

« De 1904 à 1910, c’est dans les suppléments du samedi de La Presse et de La Patrie, que la bande dessinée francophone voit véritablement le jour au Québec. » Devançant la France et la Belgique, les Aventures de Timothée, créées par Albéric Bourgeois, en 1904, devient la première série de bande dessinée francophone dont les personnages s’expriment à l’aide de phylactères. Cela, 21 ans avant la première bande dessinée française Zig et Puce, en 1925, et 25 ans avant la parution du premier album de Tintin, en 1929. Parmi ces pionniers de la bande dessinée artistique un Nicolétain d’origine se distingue.

Joseph-Arthur Lemay naît à Nicolet, en 1899. Il étudie chez les Frères des Écoles Chrétiennes où ses enseignants décèlent très tôt chez-lui un talent exceptionnel pour le dessin. En 1920, le jeune dessinateur entre au service du journal La Patrie où il œuvre sous la direction du célèbre illustrateur, Albert-Samuel Brodeur. Ce dernier, face à l’évidente dextérité de son nouvel employé, lui confie la responsabilité de la populaire bande dessinée de l’époque : Les Aventures de Timothée. Tout en respectant l’esprit des premiers dessinateurs de la série, Jospeh-Arthur Lemay y ajoute sa touche personnelle en esquissant un personnage d’aspect légèrement grotesque qui évolue dans une ambiance un peu plus burlesque que celle proposée par ses prédécesseurs. Le succès couronne l’effort et les Aventures de Timothée accapareront une bonne partie du travail artistique du jeune Lemay pour les cinq années à venir.

Le succès n’entrave nullement le rêve de Joseph-Arthur Lemay de parachever sa formation artistique à Paris. Son employeur accepte de lui accorder une aide financière et, le 9 août 1921, le caricaturiste s’embarque avec son épouse en destination de la France. Il étudie pendant deux ans à l’école des Beaux-Arts de Paris et à l’académie Julian où il retrouve son ami de jeunesse, le peintre nicolétain, Rodolphe Duguay. De retour au pays, à la fin de 1923, il poursuit sa carrière au journal La Patrie. En plus de la célèbre série Timothée, il réalise plusieurs portraits et caricatures de politiciens, d’hommes d’affaires et d’artistes. Sa renommée atteint le niveau provincial, lorsque le Soleil de Québec et plusieurs journaux régionaux acceptent de diffuser régulièrement ses œuvres. Dans la foulée de ce succès, La Patrie lui confie la section la plus populaire du journal au cours des années trente, soit la page intitulée La Semaine Illustrée de son édition dominicale. Celle-ci se consacre exclusivement à résumer, sous forme de caricatures, les événements mondiaux marquants de l’époque.

Lors du second conflit mondial, le gouvernement du Canada fait appel aux services et à la notoriété de l’illustrateur pour lui commander une série de dessins de propagande pour le compte de la Commission de l’Information. Cette carrière fulgurante, promise à un brillant avenir, s’interrompt brusquement par le décès du caricaturiste, le 20 janvier 1944. « L’auteur de Timothée est mort. La Patrie perd l’un de ses plus précieux collaborateurs » titrent les journaux de l’époque. Parmi les nombreux hommages qui affluent suite au décès du célèbre caricaturiste, citons celui rendu par le journal de Waterloo, en date du 28 janvier 1944: « M. Joseph-Arthur Lemay caricaturiste, dessinateur et portraitiste canadien-français vient de mourir à l’âge de 44 ans à Montréal. Transporté à l’hôpital où il dû subir plusieurs interventions chirurgicales, son mal empira, pour l’emporter finalement. Notre journal; a publié un grand nombre de dessins de M. Lemay. Ces dessins sur les grands événements mondiaux lui valurent une célébrité qui a dépassé les frontières du pays. Il se fit remarquer de façon particulière par les croquis de politiciens et d’hommes d’affaires qu’il dessinait. » Au moment où ce pionnier de la bande dessinée québécoise disparaît, les comics-strips américain, au volumineux tirage moins dispendieux à publier, ont déjà éclipsé presque totalement la création locale initiée au début des années 1900. Il faudra attendre la seconde moitié du 20e siècle avant que la bande dessinée québécoise ne connaisse un nouvel essor.

Texte : Serge Rousseau pour le CAR Séminaire de Nicolet

Références : Journal de Waterloo 28 janvier 1944. L’Écho de Frontenac 27 janvier 1944. Collection Mme Renaud Chapdelaine C008/A1/3.

Joseph-Arthur Lemay, La Patrie 1921.
Maurice Duplessis par J. A Lemay, Noir et Blanc 1933.

Lyon Mackenzie King par J. A Lemay, Mille Têtes France 1931.

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