À L’ORIGINE DU SUCCÈS DE LACTANTIA : FRANÇOIS BOURGEOIS INGÉNIEUR ET PHILANTHROPE

La laiterie Lactantia de Victoriaville fondée en 1947 par l’agronome Lionel Beaudet, demeure sans contredit un des fleurons entrepreneurials des Bois-Francs. Au moment de lancer son entreprise, le promoteur compte sur la pénurie de produits laitiers, qui sévit dans plusieurs pays européens à l’issue de la seconde guerre mondiale, pour fabriquer du lait écrémé en poudre, plus facilement exportable. Afin de le seconder dans cette aventure, il fait appel aux services d’un jeune ingénieur fraîchement diplômé de l’université de Saskatoon et qui vient tout juste d’amorcer une carrière à la Shawinigan Water and Power, François Bourgeois. Fils de cultivateur, celui-ci voit le jour à Saint-Célestin le 1er octobre 1917. Il est le cadet d’une famille de cinq enfants. Très tôt orphelin de père, (celui-ci décède de la grippe espagnole en 1918) il grandit dans une atmosphère matriarcale, sa mère préférant demeurer veuve et s’occuper seule de sa famille et des travaux de la ferme. Grâce à la générosité du curé de la paroisse de Saint-Célestin, Origène Grenier, le jeune homme entreprend des études classiques. D’abord, au séminaire Saint-Sacrement de Terrebonne de 1932 à 1936, puis au séminaire de Nicolet de 1936 à 1939. En acceptant de quitter son emploi à la Shawinigan Water and Power, il se résigne à une diminution de salaire qui passe de 80$ à 52$ par semaine. Toutefois : « J’étais plus près de chez-nous et je devenais le deuxième dans l’entreprise après M. Beaudet. J’ai toujours été proche des fermiers. Ça me convenait d’avantage que d’être dans des laboratoires à faire des expériences»

Dès son entrée en fonction, il négocie l’achat de 1200 livres de lait auprès d’un cultivateur de la région dont la première livraison a lieu le 6 août 1947. Or, les trois premières années d’exploitation de l’entreprise se révèlent extrêmement difficiles. Les dettes s’accumulent et la faillite menace. En 1952, les actionnaires sollicitent un changement de direction et François Bourgeois accède au poste de directeur, avant d’être promu président de la compagnie en 1953, poste qu’il conservera jusqu’à 1988. Sous sa présidence la laiterie connaît un essor considérable. Son premier geste consiste à renflouer les coffres déficitaires de la compagnie. Il investit personnellement 4 000$ dans l’entreprise et convainc 20 autres actionnaires d’en faire tout autant : « En payant nos dettes, on recréait un nom respectable. » Afin de se démarquer de la concurrence, François Bourgeois sait qu’il doit développer de nouveaux produits. Dès 1955, il demande à une sommité de l’industrie laitière autrichienne, fraîchement immigrée au pays, de se joindre à l’entreprise. Deux ans plus tard, Lactantia lancera sur le marché un beurre de culture qui remporte aussitôt un vif succès auprès des consommateurs. Cette réussite contribue à imposer la présence de la compagnie sur le marché. Précurseur dans le domaine, Lactantia devient la première laiterie à envelopper son beurre dans du papier d’aluminium pour le protéger des méfaits de la lumière. En 1966, François Bourgeois importe d’Allemagne une machine servant à fabriquer des petits carrés de beurre enveloppés séparément, une innovation nord-américaine qui : « Permettra à Lactantia d’envahir le marché. Le beurre à l’ail, le beurre demi-sel, la margarine font de Lactantia un chef de file dans le domaine. »

Tout en occupant la présidence de la compagnie, M. Bourgeois agit à titre d’ingénieur à temps partiel, pour la ville de Victoriaville, de 1949 à 1953 et pour Arthabaska de 1953 à 63. Il siège aussi comme bénévole à la présidence de la chambre de commerce, de même que celles de plusieurs organismes sociaux ou de bienfaisance, comme le club Richelieu, la Fondation de l’Hôtel Dieu d’Arthabaska et la Croix-Rouge. Conscient d’appartenir à une classe privilégiée, il enseigne à ses enfants le sens du partage: « La providence a été bonne pour nous, soyons bons à notre tour. » C’est dans cet optique qu’il lance sa propre, fondation à l’orée du troisième millénaire. Il puise à même ses propres deniers le montant du capital initial dont les intérêts serviront à aider financièrement les organismes de bienfaisance qui lui tiennent à cœur. C’est ainsi que, depuis l’an 2000, la Fondation François Bourgeois a permis de verser plus de 8 millions de dollars à différents organismes de charité.

François Bourgeois décède le 16 juin 2001 à l’âge de 83 ans, des suites d’une maladie respiratoire. Au terme de sa vie, le succès de Lactantia demeure sans contredit sa plus grande fierté: « À force de courage et de détermination, on est parvenu à la sortir du fossé et à la mettre sur la route. Je me réjouis des succès de Lactantia. C’est ma plus belle récompense : cette fierté-là est encore plus ancrée en moi que l’argent que ça pu apporter. » En 2012, la Corporation du Séminaire de Nicolet remet à son épouse, Monique Hamel Bourgeois, la médaille du mérite à titre posthume.

Texte : Serge Rousseau pour le CAR Séminaire de Nicolet

Références : Dossier de recherche François Bourgeois. Visages du siècle, Alain Bergeron décembre 1999.

Messe et réunion pour le Musée des religions à Nicolet 12 septembre 1982, François Bourgeois avant dernier de la deuxième rangée, F277-I110-1-54.
Classe de philosophie sénior 1938-39 – vers 1939, François Bourgeois, deuxième de la première rangée, F085-P2628.

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