GEORGE BALL : DE LA PROSPÉRITÉ À L’AUSTÉRITÉ

Désireux d’obtenir une notice biographique concernant George Ball, Pierre-Georges Roy, historien et premier archiviste à l’origine de Bibliothèque et Archives Nationales du Québec, sollicite l’aide du président du Conseil Législatif du Québec, M. Hector Laferté. Dans une lettre datée du 2 mars 1943, l’historien exprime sa requête en ces termes : « J’aurais besoin de la date et de l’endroit de la mort de M. George Ball, ancien maire et député de Nicolet. Je me suis adressé à Nicolet où on n’a pu me donner ces renseignements. On m’a dit toutefois que M. Ball est décédé à Québec, il y a deux ou trois ans et que vous assistiez à ses funérailles. »

Rappelons que George Ball est un commerçant prospère et un politicien engagé qui a marqué l’histoire de Nicolet. Natif de Champlain en 1838, il déménage à Nicolet à l’âge de huit ans avec sa mère, veuve depuis peu. On le retrouve par la suite à Saint-Zéphirin-de-Courval, où, à l’âge de 22 ans, il apprend le métier de constructeur de moulins à scie. Entrepreneur dans l’âme, il construit une première scierie sur l’île Lozeau, en 1868. Sept ans plus tard, il profite d’une vente de liquidation pour acquérir un second moulin. Par malheur, celui-ci brûle l’année suivante. Son propriétaire ne se laisse pas décourager et le reconstruit aussitôt. En 1881, George Ball choisit de se lancer dans le négoce du bois : « Il ne lui suffit plus de le faire couper, il veut également le vendre. » Dix ans plus tard, il est devenu l’un des plus gros commerçants de bois de Nicolet. Sa prospérité est telle qu’il peut se targuer de fournir de l’emploi à une centaine de personnes dans la région nicolétaine, ainsi qu’en Beauce. Il possède son propre quai dans le Bas-de-la-Rivière et acquière un bateau à vapeur qu’il baptise Le Nicolet. Vers la fin du 19e siècle, soucieux de prolonger l’expansion de son entreprise, M. Ball achète un autre moulin. Or, le moment est mal choisi. L’âge d’or de la coupe de bois dans les townships tire à sa fin et il doit se départir rapidement de cette nouvelle acquisition.

Simultanément à ses activités commerciales, George Ball s’implique activement en politique. C’est ainsi qu’on le retrouve maire de Nicolet de 1885 à 1893. Il se fait élire sous la bannière conservatrice aux élections provinciales de 1897. En 1900, il fait le saut en politique fédérale et accède au poste de whip du Parti Conservateur, tout en occupant de nouveau la fonction de maire de Nicolet de 1895 à 1907. À la fin de ces années, ses affaires ayant considérablement déclinées, il déménage à Montréal: « Où il agit comme promoteur de compagnies financières et immobilières. Par la suite, il est président-directeur de la Crystal Spring Land Co, la Québec & Western Land Syndicate et la South Shore Railway. »

M. Ball sombre par la suite progressivement dans l’oubli collectif, jusqu’à ce que l’archiviste Pierre-George Roy s’interroge, en mars 1943, sur les conditions entourant sa mort et son lieu de sépulture. Son correspondant, M. Laferté lui confesse alors humblement que ses souvenirs demeurent plutôt flous à ce sujet. Il sait confusément que M. Ball est décédé à Québec dans une relative pauvreté, mais il ignore la date et l’endroit de sa mort. À cet effet, il écrit: « Vous étiez sous l’impression qu’il était décédé il y a 2 ou 3 ans. Le juge Sévigny que ça faisait 4 ou 5 ans et le docteur Tousignant 7 ou 8 ans. Or, il est décédé le 2 juin 1928. » Usant de persévérance, glanant des témoignages de ci de là, M. Laferté parvient à reconstituer, en partie, les dernières années de l’homme d’affaires nicolétain. Une brève notice nécrologique dans un quotidien indique que George Ball est mort dans un hospice de Québec, mais l’article omet de nommer l’institution. Poursuivant son investigation, il réussit à recueillir le témoignage d’une religieuse de l’Orphelinat Saint-Charles qui lui certifie : « Que M. et Mme Ball sont entrés à l’Orphelinat le 1er août 1924 et que M. Ball était décédé à cet endroit, le 2 juin 1928. » La bonne sœur ignore, toutefois, son lieu d’inhumation. M. Laferté s’adresse par la suite aux autorités régissant les cimetières de la capitale où il obtient finalement l’information désirée. Le voilà désormais en mesure de certifier à son correspondant que George Ball repose, en compagnie de son épouse Éliza Thurber, décédée en 1933, au cimetière Notre-Dame-de-Belmont à Ste-Foy, en ajoutant : « C’était un citoyen intègre et dévoué à ses électeurs. » Pour expliquer l’austérité dans laquelle George Ball se retrouve à la fin de sa vie, il faut se référer à l’une des déclarations du principal intéressé dans laquelle le commerçant confesse avoir peut-être commis une erreur en investissant 40 000$ pour prolonger la ligne de chemin de fer entre Saint-Grégoire et Nicolet. Cette expansion, en permettant une meilleure circulation des marchandises, encourageait par le fait même la compétition venue de l’extérieur, ce qui contribua à diminuer considérablement son chiffre d’affaires. Une rue du Bas-de-la-Rivière à Nicolet commémore désormais son nom.

Texte : Serge Rousseau pour le CAR Séminaire de Nicolet

Références : Fonds Hector Laferté F040/P69. Histoire des lieux et rues de Nicolet, toponymie de Nicolet, Marie Fournier et François Fournier, Villes de Nicole 2017.

George Ball après 1900, photo Livernois F085-P5817
Résidence de George Ball à Nicolet vers 1905, photo Pierre-Alfred Papillon F085-P4431.
Quai George Ball vers 1890, F085-P4392-1.

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