LA SOCIÉTÉ DE TEMPÉRANCE DE LA CROIX NOIRE

En consultant le fonds d’archives de Laurent Proulx, déposé au CAR Séminaire de Nicolet, on retrouve un formulaire d’inscription à la Société de Tempérance de la Croix Noire. À peu près tout le monde connait le mouvement Lacordaire qui fait plusieurs adeptes dans la province de Québec au cours du 20e siècle, ou encore la loi sur la prohibition en vigueur aux États-Unis, de 1920 à 1933. Les lois et associations visant à limiter les ravages de l’alcool au sein de la société semblent prendre naissance au Royaume-Uni au début du 19e siècle. À l’époque, dans ce pays, la consommation abusive de spiritueux atteint un niveau intolérable, au point de représenter un véritable fléau national. Au Canada, les sociétés de tempérance commencent à faire parler d’elles vers le milieu du 19e siècle. Leur apparition coïncide avec le renouveau religieux qui s’opère au Bas-Canada suite à l’écrasement de la rébellion de 1837-38. En 1840, Mgr Bourget, évêque de Montréal, invite le Français Mgr Forbin-Janson à venir prêcher dans les églises du Québec. Ce dernier attire des foules records partout où il prêche. Lors de son passage dans la capitale nationale, Forbin-Janson n’hésite pas à arborer un étendard à l’effigie de la Tempérance sur la façade de la citadelle de Québec. Ce geste de la part d’un prédicateur éloquent dont les sermons subjuguent les auditoires, indique la voie à suivre à d’autres religieux. Inspirés par son exemple, l’abbé Chiniquy de Beauport et l’abbé Quertier de Saint-Denis-de-Kamouraska, décident de fonder leur propre société de tempérance.

C’est à l’abbé Quertier que l’on doit la fondation de la société de la Croix Noire dont il rédige lui-même le statut et le serment d’allégeance, en 1842. Dès le premier décembre de cette même année, plusieurs citoyens acceptent d’acquitter les 2 deniers exigés pour devenir membre de cette société. Ainsi que son nom l’indique, celle-ci arbore en guise de symbole une croix nue et noire : « Qui doit mesurer trois pieds de hauteur par trois pieds de large. » Chaque membre s’engage à placer cette croix bien en évidence au cœur de son foyer, signe ostentatoire servant à repousser le démon de l’alcool et a prêcher la sobriété aux éventuels visiteurs. Au fil du temps, une certaine croyance populaire finit par octroyer de prodigieux pouvoirs surnaturels à cette croix. De même que l’on attribue la capacité d’éteindre les incendies et de guérir les malades au chapelet de l’abbé Quertier.

Pour faire partie de cette Société de Tempérance de la Croix Noire, les postulants doivent prêter serment à un certain nombre de critères que nous reproduisons ici, selon la fiche retrouvée parmi le fonds d’archives de Laurent Proulx : « Je prends la résolution sincère et je promets sur mon honneur de Chrétien : de ne jamais fabriquer ni vendre, ni acheter, ni importer d’une façon illégales des liqueurs enivrantes; de me servir de toute mon influence pour favoriser la tempérance, de ne jamais favoriser, ni par mon vote, ni par ma signature ou autrement, le commerce des liqueurs enivrantes; de ne jamais entrer dans les débits de boisson sans nécessité; de ne pas faire usage de boissons enivrantes sans de justes motifs, prenant garde toujours de m’exposer au péril de l’intempérance et me rappelant l’obligation d’exercer l’apostolat par l’exemple. J’accepte la croix de Jésus-Christ comme symbole du sacrifice que je m’impose. » Ce document est précédé d’une prière et doit être dûment signé par le postulant.

Texte : Serge Rousseau pour le Car Séminaire de Nicolet

Références : Fonds Laurent Proulx, F342/B2

Prière à réciter tous les jours devant la croix noire F342-B2

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