FIN DU RÉGIME SEIGNEURIAL À NICOLET ET PREMIER CONSEIL MUNICIPAL

Le régime seigneurial, établi dès 1623 en Nouvelle-France, est officiellement aboli le 18 décembre 1854 par le gouvernement du Canada-Uni. La loi de 1854 abolit le système seigneurial sans remettre véritablement en cause le caractère inaliénable du droit de propriété des seigneurs. En plus de conserver entièrement leur domaine, ces derniers sont aussi autorisés à vendre des parcelles de leurs terres, alors que les censitaires se retrouvent avec la responsabilité de racheter les rentes seigneuriales, s’ils le désirent. D’autre part, le seigneur se voit déposséder de ses droits sur les cours d’eaux non navigables et pour laquelle il n’obtient aucune compensation. Par contre : « Les lods, ventes et banalités furent évalués en argent d’après le rendement annuel. Le seigneur consent à recevoir la rente du gouvernement à 6% ou encore la somme totale en paiement définitif ». Ce processus de rachat nécessite une dépense de dix millions de dollars de la part du gouvernement.

D’autre part, l’abolition de la tenure seigneuriale entraîne la suppression des privilèges réservés au seigneur, tel le banc d’honneur et autres avantages reliés aux offices religieux. À Nicolet, quoique le coseigneur Henry Trigge, de confession anglicane, n’use jamais de ce droit, l’avis officiel de la Fabrique mettant fin à cet avantage l’attriste particulièrement. Peu désireux d’alimenter un conflit avec ce seigneur qui s’est toujours montré fort généreux envers la Fabrique, le curé Fortier choisit sagement le statu quo, confiant que la situation se règlera d’elle-même avec le temps. « Le seigneur continua donc à faire jouir de son banc des personnages de choix à qui il en confiait la clef. Parmi ces personnages on retrouve la mère et les deux sœurs du curé Louis-Théophile Fortier et le notaire Eusèbe Beaubien. Ces dames avaient la satisfaction de recevoir l’eau bénite et le pain béni avant les autres fidèles et d’y être traitées comme des seigneuresses. » Néanmoins, le 23 août 1861, le seigneur Trigge renonce définitivement et de plein gré à ses privilèges, réalisant que l’époque seigneuriale est irrémédiablement révolue. De plus, son état de santé devenant de plus en plus précaire, Henry Trigge quitte Nicolet pour Montréal laissant à son bras droit l’administration de la seigneurie. En 1869, après s’être départi des moulins banaux et de plusieurs étendues de terre, il accepte de vendre son manoir au curé Fortier qui espère y finir ses vieux jours en douceur. Or, le brave curé ne bénéficiera pas bien longtemps du confortable manoir Trigge. L’église en pleine reconstruction lui occasionne bien du souci, alors que des tempêtes successives renversent par deux fois le nouveau clocher : « Ces accidents déplorables affectèrent le curé au point de causer sa mort. Quelques semaines après la deuxième catastrophe, il s’éteignit le 27 mars 1874. » Le domaine connaît par la suite diverses administrations avant de devenir la propriété exclusive des communautés religieuses de Nicolet.

Le système seigneurial est aussitôt remplacé par le régime municipal. À Nicolet, c’est le 31 juillet 1855, suite à la tenue d’une élection, que le premier conseil municipal est assermenté. Joseph-Ovide Rousseau devient alors le tout premier maire de la municipalité. Les conseillers élus pour le seconder dans sa tâche sont Édouard-Léopold Cressé, Jean Beaubien, Joseph Beaulac-Lampron, Octave Bellerose, Louis Beaubien et Louis-François Pinard. Il s’agit alors du coup de grâce définitif assené au régime féodal en vigueur depuis le début de la colonie. L’autorité des seigneurs se retrouve désormais entre les mains d’un conseil municipal dûment élu par les citoyens.

Texte : Serge Rousseau pour le CAR Séminaire de Nicolet

Références : Histoire de Nicolet 1669-1924, J.E Bellemare, Fonds Seigneurie de Nicolet F001/J39/4

Photo : Henry-Wulff Trigge TA-42

Henry-Wulff Trigge TA-42

Laisser un commentaire