WILLIAM MITCHELL: UN DRUMMONDVILLOIS REMARQUABLE

En déambulant sur la rue Saint-Georges à Drummondville, juste en face de la rue Lyndsay, on peut admirer une magnifique résidence en briques rouges classée monument patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications depuis mars 1981. Cette maison, construite en 1894 par les architectes Caron de Nicolet pour le compte de William Mitchell, reflète l’architecture néo-italienne en vogue depuis les années 1830: « par son élévation de deux étages et demi, ses fenêtres hautes et étroites surmontées de linteaux en pierre, ses consoles jumelées, ses fenêtres en saillie et son balcon. » Au-delà de son style architectural raffiné, c’est surtout grâce à son premier propriétaire, le commerçant William Mitchell, personnage important ayant contribué au développement économique de Drummondville à la fin du 19e siècle et au début du 20e, que cette résidence se mérite l’estimable statut de monument historique.

Fils d’immigrant irlandais arrivé au Canada en 1841, William Mitchell naît en 1851 dans le canton de Durham. Il quitte très tôt les bancs de l’école et s’en va travailler pour le compte d’une compagnie ferroviaire du Maine. Il revient quelques années plus tard dans sa région natale pour entreprendre une carrière dans le commerce du bois de construction. L’entreprise noue rapidement avec la réussite et ne cesse de prendre de l’expansion. Ce succès contraint le jeune entrepreneur à déplacer le siège social de sa firme à Drummondville : « où il continua ses affaires sur une plus longue échelle jusqu’à 1886. » À cette époque, la compagnie Mitchell achète, pour la somme de 95 000$, une vaste réserve de bois. L’exploitation d’une telle concession de plusieurs dizaines de millier d’âcres nécessite un système de transport adéquat. M. Mitchell répond à ce besoin en faisant construire un réseau de voie ferrée de 87 miles de long à travers ses concessions et fonde, par la même occasion, la compagnie Drummond County Railway. Celle-ci tire la presque entièreté de ses revenus du transport des marchandises. Celui du bois, en particulier, qui occupe au moins la moitié de ses convois. Dès sa troisième année d’opération la DCR accueille un certain nombre de voyageurs pour répondre à la demande du public, mais elle est loin d’en faire une priorité. Ce manque d’intérêt pour le transport des voyageurs suscite l’indignation des éventuels bénéficiaires. La compagnie devient alors la cible de deux pétitions, dans lesquels les signataires s’offusquent que le trajet du chemin de fer priorise le passage à travers les coupes forestières, plutôt qu’un itinéraire desservant les villages environnants. Protestations légitimes que l’ajout de tronçons supplémentaires contribuera à atténuer un peu plus tard.

D’allégeance libérale en politique, l’homme d’affaires William Mitchell s’implique aussi activement au sein de sa société: « Il est maire de Drummondville (1898-1902). Il est aussi président de la commission scolaire, juge de paix et directeur de la Drummond, Richmond and Yamaska Insurance Company. » Et pour couronner une carrière déjà brillante, Sir Wilfrid Laurier le nomme sénateur, en 1904. Mais, au-delà de tout, il se révèle un homme de progrès qui considère l’hydroélectricité comme l’énergie du futur. Dès 1895, M. Mitchell se fait le promoteur de l’implantation d’un système d’éclairage électrique dans les rues de Drummondville. Sa maison est d’ailleurs la première de la ville à bénéficier de l’électricité. Cette demeure ancestrale, dont les propriétaires subséquents ont su conserver le cachet original, représente un bel exemple de préservation patrimoniale. Le prix Mitchell, remit par le service d’urbanisme de Drummondville, vise justement à récompenser les propriétaires soucieux de préserver leurs acquisitions ancestrales.

Lors du décès de William Mitchell, le 10 mai 1926 à l’âge de 75 ans, la municipalité de Drummondville lui rend ce vibrant hommage : « Ce conseil se plaît à se rappeler que le sénateur Mitchell fût maire de cette ville à une époque mouvementée de son existence et qu’il a contribué largement avec la plénitude de son talent et de ses énergies et le zèle d’un vrai pionnier à soutenir les progrès de notre ville. Ce conseil reconnaît que la ville doit au sénateur une gratitude profonde pour la construction de la Drummond County Railway, qui a été pour nous la raison d’être de notre existence et de la prospérité que nous pouvons faire éclater aujourd’hui aux yeux du pays entier. »

Texte : Serge Rousseau pour le CAR Séminaire de Nicolet

Références : Collection Mme Renaud Chapdelaine C008/A1/2. Le Devoir 26 juin 1915. Le Droit 11 mai 1926. L’Illustration nouvelle 5 octobre 1940. Cap-aux-Diamants automne 2015. L’Express 29 septembre 2019.

William Mitchell sénateur- La Patrie 1904.
Maison du sénateur Mitchell F039-G13-41.

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